Le forêt alluviale à la loupe

Elle recouvre 61% de la Réserve naturelle de la Bassée et renferme encore de nombreux secrets. La forêt alluviale, une forêt où les inondations sont régulières, est intimement liée au fonctionnement de la Seine et abrite une flore spécifique. Cette année, nos 4 stagiaires, encadré·e·s par nos agents, s’intéressent à ce milieu peu connu.

Depuis avril, deux équipes composées d’agents et de stagiaires arpentent la forêt alluviale de la Bassée. Leur objectif : mieux connaître sa composition et sa dynamique. Le premier groupe se concentre sur une essence d’arbre inféodée à la forêt alluviale, l’Orme lisse (Ulmus laevis). Au fil des siècles, les populations de cette espèce ont subi une forte régression due à l’altération par l’Homme de son milieu de vie. Les fleuves sont depuis longtemps modifiés pour permettre la circulation des biens et des personnes (navigation, dragages) mais aussi des activités diverses : production de denrées alimentaires (moulins), d’énergie (centrales nucléaires, barrages) et production industrielle… Les forêts à proximité de ces cours d’eau ont par conséquent vu leurs conditions hydriques fortement évoluer. Certaines ont été converties en peupleraies (culture du peuplier), fragilisant d’autant plus les populations d’Orme lisse. Aujourd’hui, l’espèce est classée comme Vulnérable en Ile-de-France même si elle bénéficie de l’arrêt de l’exploitation du bois dans certaines forêts alluviales.

Si on connaît plusieurs stations d’Orme lisse sur la réserve, on ignore le nombre exact d’individus présents, leur répartition, leur état de santé ou leur âge. La mission de l’équipe composée de Fabien, Oscar et Pierre-Adrien est de rechercher ces informations en parcourant la réserve pour répertorier les Ormes lisses, les mesurer et évaluer leur état sanitaire. En effet, l’Orme champêtre (Ulmus minor) est victime de la graphiose, un champignon (Ceratocystis ulmi) véhiculé par les scolytes, des insectes xylophages. Si ces coléoptères semblent moins apprécier l’Orme lisse, il n’est pas à l’abri d’une infection qui peut s’avérer fatale. A l’heure actuelle, près de 297 arbres ont été inventoriés sur la partie Est de la réserve. A terme, les données récoltées permettront de mieux connaître les effectifs d’Ormes lisses de la réserve et d’évaluer leur régénération car une population avec des individus de différents diamètres (et donc de différents âges) indique que la population se renouvelle. En l’absence de nouveaux individus, la population serait vieillissante (pas de renouvellement), une situation préoccupante. Notre équipe doit faire face à plusieurs difficultés : progresser dans la forêt alluviale où les arbres morts jonchent le sol n’est pas évident et les moustiques abondent dans ce milieu humide. Surtout, le principal critère de différenciation entre l’Orme lisse et son cousin l’Orme champêtre est la présence de cils (poils) sur les fruits. Or les fruits sont visibles d’avril à juin mais tombent progressivement. Une véritable course contre la montre !

feuille Orme lissefruits d'Orme lisse

mesure orme lisse

 

 

 

 

 

 

Pour repérer l’Orme lisse, on observera ses feuilles, les dents sont recourbées vers l’intérieur et ses fruits, qui portent des poils. — Oscar mesure le diamètre d’un Orme lisse.

La deuxième équipe, composée de Sophie, Oceane et Lucas, réalise la seconde édition du Protocole de Suivi Dendrométrique des Réserves Forestières (PSDRF) sur des emplacements (placettes) définis en 2002, lors de la première application de ce protocole. 22 placettes feront l’objet d’études : mesure du diamètre des troncs, de la dureté du bois mort, identification des essences d’arbres et des micro-habitats présents sur les arbres. Réalisé tous les 10 ans, le PSDRF informe les gestionnaires sur l’état de santé des forêts par l’observation de sa régénération (arbustes récemment semés, présence de vieux arbres…) et l’accroissement du diamètre des troncs. Il évalue également la capacité de la forêt à accueillir la biodiversité en recensant les petits habitats créés par l’action des oiseaux, des champignons … ou naturellement présents sur l’arbre (cavités, fourches, etc.) qui sont autant de lieux de refuge, nutrition, etc. pour les plantes et les animaux. Toujours dans cet objectif, la quantification du bois mort est particulièrement importante puisque 20% à 25% des espèces forestières dépendent de cette ressource en raréfaction. Enfin, les données récupérées et l’évolution qu’elles dessinent peuvent permettre de voir les effets du réchauffement climatique et/ou de la modification du milieu lorsque des essences d’arbres disparaissent ou sont remplacées par d’autres aux exigences différentes.

Protocole forestier PSDRF      Protocole forestier PSDRF
Identification des essences à proximité du piquet — Mesure du diamètre d’un morceau de tronc tombé

Les résultats de l’analyse des observations de ces deux groupes permettront d’en apprendre plus sur la forêt alluviale de la Bassée. Rendez-vous donc en juillet pour en savoir plus !